Définir le genre poétique
La poésie est à la fois :
Un effet de l’inspiration, d’un souffle quasi divin
L’effet d’un enthousiasme, d’un élan passionné
Le résultat d’un travail de la langue et du vers
Elle cherche à exprimer les émotions et à toucher les lecteurs dans le choix d’une écriture soumise à une forme particulière, plus ou moins contraignante. Elle ne se limite pas à la seule idée d’épancher ses élans du cœur.
Citation utile :
"Parce que la forme est contraignante, l'idée jaillit plus intense"Charles Baudelaire
La recherche de la forme « parfaite » donne au texte poétique une mélodie et une unicité qui peut susciter le besoin de le mémoriser. Tels vers sont si beaux, si justes, si « parfaits » qu’ils apparaissent comme une sorte de bijou littéraire qu’on veut s’approprier en les apprenant et en les récitant.
Par exemple
- « Et l’amer et l’amour ont l’amer pour partage,
- Et la mer est amère, et l’amour est amer,
-
L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,
-
Car la mer et l’amour ne sont point sans orage. »
In Recueil de vers de M. de Marbeuf, Pierre de Marbeuf
La poésie est ainsi parfois considérée comme l’art par excellence :
Elle rend compte des idées puisqu’elle utilise le langage
Elle émeut par l’usage qu’elle fait de tous les registres
Elle éveille les sens puisqu’elle donne à voir et à entendre.
Citation utile :
« [La poésie] saisit l’homme par son humanité toute entière : idée pour l’esprit, image pour l’imagination et musique pour l’oreille. »Alphonse de Lamartine
De la musique et du rythme
Dans l’Antiquité grecque on associe la poésie à Orphée et aux Muses. Orphée est représenté avec une lyre ou une flûte [Voir L’inspiration du poètede Poussin] et la poésie est toujours associée à la musique.
Au Moyen Âge, les trouvères et les troubadours récitent les poèmes en s’accompagnant d’un instrument. De nos jours, nombreux poèmes sont mis en chanson et interprétés par des chanteurs.
Dans les poésies grecques ou latines ou même anglaises, des rythmes réguliers articulent syllabes longues et syllabes courtes. Dans la poésie française, les syllabes ont toutes la même longueur, la scansion (le rythme) va donc naître en utilisant les répétitions de sons : rimes, assonances, allitérations, anaphores…
Certains rythmes sont considérés comme traditionnels, ils participent à la mémorisation et créés un sentiment de reconnaissance, de familiarité. Par exemple l’alexandrin avec césure à l’hémistiche.
Exemple : "Heureux qui comme Ulysse // a fait un beau voyage" Du Bellay in Les Regrets
Des images
La poésie se nourrit d’images. Métaphores, comparaisons, allégories… la poésie entretient des liens privilégiés avec l’univers pictural et de nombreux poèmes se présentent comme des « transpositions d’art ». Par exemple « Les ponts » de Rimbaud.
Par les connotations et les images qu’il crée avec le langage, le poète fait naître où renaître des atmosphères originales. Par exemple « La Ronde sous la cloche » de Bertrand
Le poète donne à voir et à entendre parce qu’il s’adresse à nos sens et qu’il essaie de les mettre en correspondance.
Citation utile:
- La Nature est un temple où de vivants piliers
- Laissent parfois sortir de confuses paroles […]
-
Comme de longs échos qui de loin se confondent
-
Dans une ténébreuse et profonde unité,
-
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
-
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
« Correspondances » in Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire
Vers ou prose ?
Au XIXe siècle, le genre poétique voit l'émergence d'une poésie en prose qui invite à élargir sa définition. La versification n'établit pas seule l'appartenance à la poésie.
Le rythme dans la poésie en prose naît alors de la longueur des phrases, de la construction des paragraphes; la ponctuation joue un rôle important (pause, effet de juxtaposition, de liaisons...)
COMMENT INTERPRETER UN POEME ?
Important :
Un poème n'est pas un assortiment de procédés de versification. Limitez votre étude à un repérage et catalogue de rimes croisées, riches, heptasyllabes et autres n'aboutira pas à une interprétation.
Observez l'organisation générale du poème.
Le titre : éclaire le sens du texte, est en décalage, pas de titre ?
- Le thème : unité thématique dans le texte ? quels champs lexicaux dominent ? le thème est-il un thème récurrent en poésie ?
[De quoi parle ce texte ?]
- La situation d'énonciation : poète qui dit "je" ? un destinataire ? "tu" ou "vous" ? adresse au lecteur ?
- L'organisation formelle : vers ou prose ? forme fixe ? types de vers ? syntaxe
- Les effets particuliers : analogies ou ruptures : procédés d'insistances provoquant des échos, des rapprochements ? ou bien effets de rupture, antithèses, changement de rythme, de registre... ?
[Comment ?]
- Votre ressenti vis à vis du texte, vos impressions : sérénité, dégoût, rêverie, incompréhension, malaise, amusement, pitié, émotion...
- L'intention du poète : poésie engagée ? lyrique ? démarche satirique ? moralisatrice ?
- Le lien avec votre objet d'étude, le programme, la problématique de la séquence
[Pourquoi ?]
Observez les particularités de la langue poétique.
Ne perdez pas de vue que vous étudiez un poème, en particulier dans le cas d'une poésie engagée. Même si la thématique et les idées du texte sont fortes, ne négligez surtout pas le travail d'analyse sur la langue poétique : un poème est toujours un texte qui s'affirme comme voulant dire "autrement".
- Les particularités par rapport à l'usage courant du langage
par exemple : les figures de style
- Les particularités par rapport aux codes de la langue
par exemple la rupture d'une règle d'orthographe ( "si tu crois fillette, fillette xa va xa va xa va..." Queneau) , des règles de ponctuation (Apollinaire)
- Les particularités graphiques
par exemple les blancs (espace entre les strophes) un tiret ("Les ponts" Rimbaud) la disposition des vers, un calligramme
- L'interprétation des images
Ne vous limitez pas à "traduire" la comparaison. Par exemple se limiter à dire que dans "L'albatros" le poète se compare à l'oiseau. Il faut interpréter ce que signifie cette image. L'albatros est un oiseau des espaces immenses, oiseau de mer, qui vole haut dans le ciel, oiseau peu familier de la terre ferme et donc du monde humain. Ainsi le poète met en évidence à la fois son éloignement de l'univers des hommes mais aussi son goût de l'infini, des vastes espaces de l'imaginaire.